Dominique Lafont est, depuis 2006, le directeur général de la filiale africaine du groupe Bolloré, Bolloré Africa Logistics. Il passe le tiers de son temps 
à sillonner le continent africain, dont il est désormais convaincu du potentiel 
et de la croissance durable.


Depuis quelques mois, Orange, la Société générale 
et Lufthansa annoncent qu'ils misent 
sur l'Afrique. Peut-on dire que ce continent est l'Asie d'il y a vingt ans?

- La comparaison est pertinente. Il y a quarante ou cinquante ans, certaines régions d'Asie étaient très pauvres et pouvaient générer autant de scepticisme sur leurs perspectives de développement. Nous connaissons bien l'Afrique. Cela fait plus de trente ans que nous nous y développons, nous y avons 20 000 collaborateurs, dans 42 pays et 250 filiales. Nous savons que la période de croissance forte et durable pour l'Afrique est arrivée.

Le problème de leadership dans 
les entreprises s'est longtemps posé. La situation s'est-elle améliorée?

- L'Afrique évolue fortement sous l'emprise de la mondialisation. Grâce aux nouveaux moyens d'information, elle est connectée au reste du monde. C'est très visible avec la nouvelle génération, qui peu à peu prend les manettes. Cela va accélérer la mutation. Je suis tout à fait optimiste.

Depuis début 2010, Bolloré Africa Logistics présente chaque trimestre des résultats en forte hausse. 
Les ventes sur les neuf premiers mois de l'année ont progressé de 17 %. 
La crise est terminée?

- L'ensemble de l'Afrique croît. Les dernières analyses du FMI montraient que quelques pays restent à la traîne, comme la Guinée-Conakry, sinistrée pour des raisons politiques, mais que ça devient rarissime. Quant à moi, je pense que, même pour la Guinée-Conakry, un avenir meilleur est en train de s'ouvrir.

Vous venez de perdre un appel 
d'offres pour la concession 
du port de Monrovia, au Liberia. 
Que s'est-il passé?

- Nous avons été battus par le groupe danois Maersk, premier armateur mondial. Depuis dix ans, nous avons tout remporté, à l'exception du port de Dakar. On ne peut pas gagner tous les appels d'offres...

Quels sont vos projets 
de développement?

- Aujourd'hui, nous sommes répartis sur l'ensemble du continent. Dans l'immédiat, nous finalisons l'appel d'offres de Freetown, en Sierra Leone, voisine du Liberia. Nous avons été déclarés adjudicataires définitifs et nous avons commencé à négocier la concession.

Freetown est-il un lot de consolation?

- Non, c'est mieux que ça. La Sierra Leone est un pays qui a un potentiel très intéressant. J'étais là-bas la semaine dernière et, quand j'ai débarqué à l'aéroport, il y avait trois ou quatre entreprises minières qui attendaient des passagers à la sortie de l'avion. C'est un spectacle tout à fait inédit pour la Sierra Leone. Et en traversant Freetown, qui est une ville très sympathique, je me disais : dans cinq ans, tout ça aura tellement changé.

Avez-vous d'autres cibles en Afrique, ou même hors d'Afrique?

- Notre stratégie, c'est d'avoir toujours un train d'avance, et de nous installer là où il y a une vraie problématique de désenclavement pour un ou plusieurs pays de taille significative. En ce moment, nous nous battons sur trois ou quatre projets répartis à l'Est, à l'Ouest et au Maghreb. En dehors de l'Afrique, nous avons été sollicités pour participer à un certain nombre d'appels d'offres : nous avons des projets au Bangladesh et en Asie du Sud-Est. Nous nous ouvrons à cette perspective de développement vers des pays émergents, dans des environnements difficiles, qui ressemblent à l'Afrique et correspondent à notre savoir-faire.

Les enlèvements d'expatriés 
se sont multipliés cet automne. 
Avez-vous pris des mesures?

- La question de la sécurité est permanente. Cela fait longtemps que nous avons pris les mesures qui s'imposaient et tout est sous contrôle.

 

Propos recueillis par Anna Rousseau et Jean-Baptiste Diebold
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