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31 janvier 2009

La guerre des ports africains

Par Vincent Hugeux, publié le 31/01/2009 10:00 - mis à jour le 31/01/2009

Leur poids économique a fait des débouchés maritimes du continent un enjeu de pouvoir primordial. Voyage au royaume de la flibuste moderne, sur fond de bras de fer pour le partage du pactole.

Il y a bien sûr la laideur anguleuse des quais ou des portiques, l'odeur tenace et poisseuse du gazole, le ballet métallique des grues, les conteneurs empilés, les cohortes de dockers. Il y a aussi, dernier cri contre dernier soupir, la majesté indolente des ferrys flambant neufs et les grincements des vieux cargos perclus de rouille, avachis comme des cachalots échoués.

Mais l'imagerie un rien romanesque des ports d'Afrique masque mal d'âpres empoignades et des bagarres homériques. Dans le clapotis des rades marinent des haines recuites. Et, dans les coulisses des docks, on déniche un étourdissant florilège de coups tordus et de guérillas judiciaires, providence de maints cabinets d'avocats. Les pièces du répertoire doivent autant à Molière et Marcel Aymé qu'aux tragédies grecques. Parmi les divas et les figurants de ce théâtre d'ombres, on ne manque ni de Brutus ni de Ganelon. Point de concession dans la chasse aux concessions.

L'enjeu est colossal. Qu'ils accostent ou appareillent, les navires charrient dans leur sillage des fortunes et du pouvoir. La mer, on le sait depuis Charles Trenet, a des reflets d'argent. Un indice, parmi cent : il n'est pas une édition de La Lettre du Continent,publication confidentielle de référence, qui ne consacre plusieurs échos à cette bataille-là et à ses stratèges, dont les chuchotis gonflent les voiles de la rumeur ou de l'intox. Un jour, on vous jure que tel opérateur s'apprête à céder tous ses actifs ; le lendemain, vous recevez par la poste le mémo top-secret d'un de ses rivaux, connu pour abreuver les rédactions de "scoops" sur les turpitudes de la concurrence.

La loi du marché peut aussi dicter des choix éditoriaux insolites. Propriété de Vincent Bolloré, alias "VB", cador de la logistique et de la manutention portuaire, le quotidien gratuit Direct Soir consacre volontiers des Unes flatteuses à une poignée de chefs d'Etat africains, fort bien traités en outre par sa télévision privée Direct 8. Le Camerounais Paul Biya eut ainsi, en octobre 2007, les honneurs de la couverture de Matin Plus, autre titre d'une galaxie Bolloré en piste pour l'agrandissement du port de Douala.

Avisé, "Vincent" apporte son écot aux "oeuvres sociales" de la fondation que dirige la première dame, Chantal Biya. De même, solidement implanté à Abidjan, il a scellé un partenariat avec la Fédération ivoirienne de football (FIF), dont le patron, Jacques Anouma, est aussi, heureux hasard, le directeur administratif et financier de la présidence. Un dernier exemple? Lorsque VB ouvre à Libreville sa filiale Gabon Mining Logistics, il confie la présidence de son siège à Pascaline Bongo, fille de son père et grande prêtresse du cabinet présidentiel.

"Les Dubaïotes rappliquent partout où un appel d'offres se profile"

Le port, il est vrai, n'est pas qu'un débouché maritime aménagé. Il est aussi un poumon économique, une tête de pont vers les pays enclavés, voire une machine à cash. Il est encore, çà et là, le carrefour des transactions occultes, où débarquent la cocaïne sud-américaine et les armes, et d'où partent les clandestins asiatiques en transit vers l'Europe et les richesses - café-cacao ici, bois précieux ou minerais là - dont on ne trouve nulle trace dans les bilans et les budgets. On le sait fort bien à Cotonou, Lomé, Conakry, Bissau ou Abidjan. Comme on sait sur la lagune Ebrié que les flibustiers modernes peuvent déverser en catimini sur les quais des déchets toxiques meurtriers. Vu du continent, la guerre de Troie n'aura pas lieu: elle a lieu, sous nos yeux. Outrancier? Même pas. De bâbord à tribord, de la Côte d'Ivoire à l'Ethiopie, via l'ex-Zaïre et l'Angola, la quête d'une fenêtre sur l'océan aura sinon déclenché, du moins alimenté plus d'un conflit armé.

"Le développement de l'Afrique passe par celui de ses ports", avance le Français Emmanuel de Tailly, un ancien de l'armateur danois Maersk, aujourd'hui patron de la Brasserie BB de Lomé (Togo). De fait, au Cameroun comme en Côte d'Ivoire, les neuf dixièmes des échanges transitent par les débarcadères. Mais il reste du chemin à faire: les 35 grands ports continentaux drainent à peine plus de 3 % du commerce maritime mondial. 

Or la nouvelle donne planétaire bouleverse le paysage. Diverses connexions rapprochent l'ex-AOF (Afrique-Occidentale française) du Maghreb ou du versant oriental du continent. Des routes inédites filent vers le golfe Persique, l'Inde ou la Chine. La vaste tournée asiatique qu'entreprend en ce mois de novembre Marcel Gossio, directeur général du port d'Abidjan, ne doit rien au hasard. L'indien Tata a posé le pied à Cotonou (Bénin). Quant aux Chinois, ils n'ont pas mis la main sur le fer gabonais de Belinga pour en confier le convoyage à d'autres.

De nouveaux acteurs émergent, tels Dubaï Ports World (DPW), qui a raflé l'an dernier, au nez et à la barbe d'un Vincent Bolloré déconfit, le marché du terminal à conteneurs de Dakar. "Avec eux, c'est simple, tranche un initié : ils rappliquent partout où un appel d'offres se profile." De fait, les Dubaïotes ont décroché dès 2000 la concession du port de Djibouti et courtisent assidûment le Gabon. Omar Bongo a pris soin de recevoir en avril au Palais du bord de mer l'état-major de DPW, deux mois avant de faire escale dans l'émirat. Un signe: Bolloré n'a pas attendu le camouflet sénégalais, ni la déconvenue de Conakry, où il s'est vu supplanté par Getma International, le groupe de Richard Talbot, pour sortir de son pré carré. Cap sur l'Afrique du Sud, Madagascar, l'Angola, le Nigeria, la Tanzanie ou la côte kényane.

Armateurs et capitaines changent de boussole, mais aussi de voilure. Au nom des économies d'échelle, on lance sur les mers du globe des bateaux gigantesques, qui requièrent un tirant d'eau, de vastes quais et des espaces de stockage à leur démesure. C'est la course au hub, mot emprunté au lexique des aéroports. Dakar, Abidjan, Lomé, voire Pointe-Noire (Congo-Brazzaville), veulent accéder au statut de plate-forme de transbordement incontournable.

Il faut donc s'adapter ou mourir. "Fini, l'Afrique de papa, assène un conseiller de Nicolas Sarkozy. Le quai pourri, les rafiots rouillés sous le cagnard, les palmiers en zinc et les troufions français, tous ces clichés appartiennent à un passé révolu. A l'est, de Djibouti aux émirats du Golfe, ça bouge. Les investisseurs de l'Hexagone feraient bien de s'en apercevoir." L'homme connaît la chanson. Car l'Elysée suit d'un oeil attentif les aléas du combat des ports. La lutte sans merci engagée en Afrique entre le Breton Vincent Bolloré et son ex-associé Jacques Dupuydauby, patron de Progosa SA, société domiciliée à Séville (Espagne), apparaît d'ailleurs comme l'un des avatars de la querelle d'arrière-garde entre sarkozystes et chiraquiens.

Le magot portuaire? Un "domaine réservé"

Ami du président, au point d'avoir mis à sa disposition le yacht Paloma pour une escapade méditerranéenne à la veille de sa prise de fonction, Bolloré a les faveurs des premiers. Quant à Dupuydauby, il peut compter sur les conseils avisés de Michel Dupuch, maître de la cellule africaine du "Château" sous Jacques Chirac. Mieux, il a fait de Rémy Chardon, jadis directeur de cabinet du même Chirac à la mairie de Paris, le vice-président exécutif de sa société, et de la très chiraquienne Brigitte Girardin, ex-ministre déléguée à la Coopération, la figure de proue de la Fondation Progosa.

Ainsi, le sort des docks d'Afrique peut se jouer en partie dans les antichambres parisiennes. "A l'occasion, admet un "Africain" de l'Elysée, on défend auprès de nos partenaires les intérêts français. Comme pour le pétrolier Total ou Areva, leader mondial du nucléaire civil. Aucune raison de s'interdire de faire ce que font Chinois, Indiens, Russes ou Américains. Mais on s'en tient à des appuis décents et honorables." Soit. Reste que le coup de pouce peut rester vain. Pour preuve, la mésaventure dakaroise de Bolloré.

(1) Dans Sarko en Afrique (Plon), Antoine Glaser et Stephen Smith consacrent à cet épisode un chapitre instructif et détaillé.

La claque date de juin 2007. Allié pour l'occasion au groupe CMA-CGM de Jacques Saadé, Bolloré, dont l'étendard flotte sur le Sénégal depuis quatre-vingts ans, reste alors en rade au profit de DPW (1). "Un sommet d'hypocrisie", peste-t-on chez les vaincus. " Décision très politique et un peu financière, estime en écho un connaisseur. Arrêtée avec le concours actif de Karim." Allusion au fils et conseiller spécial du président Abdoulaye Wade, ancien banquier d'affaires très en cour à Dubaï. Dépité, Bolloré, qui se prétend le mieux-disant des candidats, introduit deux recours administratifs auprès du ministère des Transports sénégalais, autorité de tutelle. Peine perdue. "Requête pourtant légitime, suggère-t-on à l'Elysée. Tout indique qu'il y a eu carambouille à l'ouverture des enveloppes." Autant dire que l'état-major de Bolloré scrutera d'un oeil vigilant la genèse du "port du futur" de Dakar. "Dubaï Ports a beaucoup promis, grince un lieutenant de VB. On verra bien s'ils tiennent parole à l'horizon 2011. Quitte à demander alors des comptes."

A vrai dire, le Breton tenace - pléonasme? - n'a pas toujours eu à se plaindre des arbitrages en haut lieu. Témoin, le marché de gré à gré décroché en 2004 pour la gestion du terminal d'Abidjan, et dont l'attribution, critiquée tant par la Banque mondiale que par le président de la chambre de commerce et d'industrie locale, Jean-Louis Billon, écoeuré de voir "toutes les procédures ainsi bafouées", faillit déclencher une crise de régime.

Bolloré n'a pas toujours eu à se plaindre des arbitrages en haut lieu

Qu'on en juge: sept ministres du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) se mettront un temps en congé du "gouvernement de réconciliation nationale", dans le sillage du titulaire des Infrastructures, Patrick Achi, ouvertement désavoué par le clan présidentiel de Laurent Gbagbo. "Mauvais procès, objecte Dominique Lafont, directeur général de Bolloré Afrique. Le groupe avait auparavant répondu à deux appels d'offres jugés infructueux, faute de candidats. Les autres ont eu la trouille. Sur fond de guerre civile, nous sommes restés seuls en piste."

Il n'empêche: que valut vraiment à la SETV, filiale de Bolloré, une telle faveur? Les ivoirologues avancent deux hypothèses. Gbagbo, dont les relations avec Chirac étaient exécrables, a pu vouloir émettre un message d'apaisement en direction de Paris. A moins qu'il n'ait effectivement récompensé de la sorte la loyauté d'un partenaire qui, tout au long de la crise ouverte par la tentative avortée de coup d'Etat de la rébellion nordiste, persista à payer les salaires des 600 salariés ivoiriens de la Sitarail, pourtant condamnés à l'oisiveté par le gel de la liaison ferroviaire Abidjan-Ouagadougou. "Pas un licenciement, insiste Lafont. Le reflet d'un engagement de long terme. Nous avons contribué à maintenir l'économie ivoirienne à flot."

L'épisode rappelle, s'il en était besoin, combien le pactole portuaire relève du domaine réservé des chefs d'Etat. Au fond, les ports autonomes le sont rarement. En novembre 2000, à peine accède-t-il à la présidence au prix d'élections "calamiteuses" - l'adjectif est de lui - que "Laurent" propulse à la tête du Port autonome d'Abidjan (PAA) un fidèle d'entre les fidèles, Marcel Gossio. Familier du couple Gbagbo, et notamment de l'inflexible Simone, Gossio devient très vite le grand argentier du Front populaire ivoirien (FPI), puis, quand le pouvoir vacille sous les assauts des insurgés du Nord, le bienfaiteur des Jeunes Patriotes, ces miliciens dévoués corps et âmes au président.

"Le PAA, souligne le géographe Christian Bouquet, décodeur aguerri du tumulte ivoirien, c'est la pompe à phynances du régime." Lequel lui doit, par temps calme, plus des quatre cinquièmes de ses recettes douanières et 60 % de son budget (voir l'entretien ici). Bien sûr, Marcel Gossio paiera d'une disgrâce passagère - un trimestre à peine - le terrible scandale du Probo Koala, cette poubelle flottante dont il autorisa, en août 2006, l'accostage, prélude à l'épandage dans une dizaine de décharges d'Abidjan de rebuts empoisonnés. Bilan : 17 morts et 7 000 intoxiqués.

Mais le "boulanger d'Abidjan" - surnom que doit à Gbagbo son aptitude à rouler ses adversaires dans la farine - profita de l'affaire pour saper l'assise de Charles Konan Banny, Premier ministre imposé par la communauté internationale. Moralité, si l'on ose écrire, le cacique du parti retrouvera au terme de sa suspension la plénitude de ses pouvoirs... Dans la perspective, incertaine, du prochain scrutin présidentiel, c'est donc à Gossio qu'échoit la tâche de toiletter le chapitre « Infrastructures » du programme du FPI. Lui qui se sait plus influent qu'un ministre et, à l'en croire, voit quand bon lui semble un président prodigue en éloges à son égard.

Rudement affecté par la déchirure ivoirienne, le PAA s'emploie à reconquérir la clientèle perdue au profit de Lomé ou Dakar, et à verrouiller son statut de deuxième port du continent derrière Durban (Afrique du Sud). Il affiche en 2007 une hausse de 13% de son trafic marchandises, à plus de 21 millions de tonnes. Cibles prioritaires: les pays de l'hinterland, dépourvus de façade maritime, tels le Burkina Faso, le Mali ou le Niger. "Dans un univers hautement concurrentiel, la confiance est désormais rétablie", assure Faustin Toha, porte-parole du PAA. L'essor de celui-ci passe par son extension, à l'horizon 2012, vers l'île Boulay. A la clef, 600 mètres de quais supplémentaires, un pôle de raffinage pétrolier et une zone franche. Chantier gigantesque confié au Franco-Libano-Ivoirien Pierre Fakhoury, l'architecte de la basilique de Yamoussoukro, et dont Laurent Gbagbo a posé la première pierre le 11 juin dernier.

Duels fratricides sur le port de Lomé

Un autre port de Côte d'Ivoire a suscité voilà peu des convoitises: celui de San Pedro, tremplin du négoce des denrées agricoles. Cette fois, ce sont les Italiens de la Mediterranean Shipping Company (MSC), société basée en Suisse, qui ont décroché la timbale, aux dépens notamment de Bolloré. "N'étant pas en mesure de garantir le volume de transbordement demandé, nous n'avons pas vraiment pris part au match, nuance Dominique Lafont. Mais nous opérons à San Pedro, avec Maersk, dans le domaine de la manutention."

Seul port en eaux profondes d'Afrique de l'Ouest, Lomé sert aussi de décor à deux duels fratricides. Le premier met aux prises le président Faure Gnassingbé et son demi-frère et rival Kpatcha, naguère patron de la zone franche locale. Pour consolider son assise, Faure se devait de priver d'un tel atout son fantasque cadet, favori de la vieille garde du défunt papa Eyadéma. Comment? En frappant à la caisse. Intime du chef de l'Etat, la directrice des impôts infligea un redressement colossal à un affairiste libanais proche de Kpatcha et maître jusqu'alors du juteux marché de l'importation des voitures d'occasion...

Jacques Dupuydauby, Président de la société Progosa Investment, un groupe d'opérateurs espagnoles opérant dans le domaine de la manutention de conteneurs et dans la modernisation des installations portuaires, à Madrid.

L'autre bras de fer oppose - qui l'eût cru? - Vincent Bolloré à Jacques Dupuydauby, maître de la manutention portuaire - activité privatisée en 2003 - par le biais de SE2M Togo, filiale de Progosa. Il donna lieu en avril 2006 à un épisode mémorable : l'arrestation à l'aéroport de Lomé de quatre pontes de Bolloré, dont le vice-président Gilles Alix, interpellés alors que leur Falcon 900 s'apprêtait à décoller pour Paris. Mauvaise pioche: venu fêter une victoire judiciaire dans une affaire de détournement d'actifs imputé à Progosa, le quatuor se retrouve mis en examen pour "corruption active de magistrat". En l'occurrence, le président de la Cour suprême togolaise. Il faudra, pour solder cet intermède carcéral de trente-six heures, l'intercession d'Omar Bongo, sollicité par l'Elysée, et le versement d'une caution totale de 1 million d'euros. La procédure est censée suivre son cours. Même si l'on espère, chez Bolloré, qu'elle finira par s'éteindre en douceur, faute d'avoir été réactivée. Le contentieux sur le fond, lui, attend le verdict de la cour d'appel de Lomé. "En termes d'activité, insiste Jacques Dupuydauby, Progosa continue de gérer en toute légalité et normalité le terminal à conteneurs du Port autonome de Lomé."

Voilà des années que le Breton de souche et le Sévillan d'adoption échangent menaces et anathèmes ou croisent le fer dans les prétoires. Manoeuvres frauduleuses, escroquerie et diffamation, accuse l'un ; corruption et favoritisme, rétorque l'autre. Avec, en point d'orgue, ce chassé-croisé digne d'un vaudeville postmoderne: débouté en partie sur le front togolais, Dupuydauby, bras droit de Francis Bouygues au temps du rachat de TF1, règne sur Lomé ; tandis que Bolloré, pourtant rudoyé par la justice gabonaise, a longtemps joué en solo à Libreville, et tient les rênes de Port-Gentil. Même si un groupe singapourien, disposé à financer à l'horizon 2010 la rénovation du quai d'Owendo, lancée truelle en main en août 2007 par le maçon Bongo, vient de surgir dans l'arène. Quand deux vieux loups de mer s'étripent, il arrive qu'un troisième larron, asiatique pour le coup, tire les marrons du feu.

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