Pour ou contre l'intangibilté des frontières héritées de la conférence de Berlin (1885) et de la colonisation?
Un internaute a posé la question suivante : « pour ou contre l’intangibilité des frontières » suite à l’article "le panafricanisme comme pour faire suite....". Je viens modestement porter à votre connaissance ma réflexion après celle de notre ami Pandi.
Intangibilité des frontières : notions et concepts
Pour pouvoir examiner de manière objective la question d’intangibilité des frontières africaines héritées de la colonisation européenne, il me paraît important de définir les mots en ce qu’ils révèlent de notions et de concept.
Ainsi le mot intangibilité par ce qui est inviolable, se definirait de quelque chose ou principe moral que l’on doit garder immuable, que l'on ne doit pas toucher quoi qu’il advienne, la notion l’intangibilité par principe introduit à son tour le concept de dogme normatif. Elle sacralise toute notion annexe qui lui serait accolée. Tout raisonnement à propos des frontières africaines partant de cette notion, c’est-à-dire de ne pas toucher, ici aux frontières issues de la division ou partage opérée à la conférence de Berlin (15 novembre 1884-26 février 1885) par les Européens fixait pour toujours l'avenir des Africains.
Quant à l’autre terme fondamental de la question frontière, on peut dire par définition, que la frontière s’entend comme une limite entre deux territoires, du point de sa representation matérielle, c’est une séparation virtuelle dessinée sur une carte qui peut être matérialisée par des obstacles naturels, (fleuves, montagnes, océan, minéralogique etc…) ou par une charge politico-affective c'est-à-dire le sentiment d'appartenir à un groupe homogène et rassurant.
Elle (la frontière) peut exister au sein d’un même pays pour des besoins administratifs ou d’identification. Mais elle ne peut empêcher le déplacement des hommes entre différentes frontières. Les frontières par excellence sont les outils du capitalisme et de l'asservissement des peuples. Elle permettent d'exclure toute ingérence extérieure du reste de la communauté humaine. Ainsi à l'intérieur de l'espace circonscrit on peut facilement opérer c'est une sorte de privatiser un territoire qui est en fait propriété de l'humanité. La terre appartient à tout le monde. Les frontières sont nées avec le besoin des tyrans de mieux controler les populations et de soumettre des Hommes. L'idée de sacralisation des frontières va être renforcée avec l'avenement de la révolution industrielle en Europe.
Naissance des frontières africaines
Pour revenir à notre question, en ce qui concerne les frontières africaines, il nous faut se situer dans le contexte de la naissance de ces frontières. Avant la conférence de Berlin en 1885, les Européens se disputaient le territoire africain comme des vulgaires bandits. Après plusieurs affrontements (Anglais et Français à Fachoda par exemple) entre eux pour posseder le maximum des terres africaines, l'Allemand Bismarck les convoquent à Berlin et ils décident de se mettre d’accord, en mettant des limites, afin d’identifier les « propriétés ou possession » qu’ils venaient de conquérir, cette opération permettaient de privatiser les territoires. C'est ainsi que le roi des Belges Léopold II posséda la parcelle du Congo qui fut sa "propriété personnelle".
La privatisation du territoire en plusieurs possessions (territoires ou colonies) était rendue nécessaire pour les besoins de pillage, cela faisant, le roi des belges ne pouvait plus aller piller sur la propriété privée de la France.
Ainsi naissaient les frontières africaines. Les frontières africaines actuelles ne sont pas issues de la volonté des Africains.
La solution devient le problème
En 1950 les combattants de la liberté et les fondateurs de L’OUA avaient trouvé la solution dans le principe de laisser intacte les frontières héritées de la colonisation pour atteindre facilement l’efficacité dans la lutte pour l’indépendance. En 1963 les fondateurs de l’OUA pensaient que ce n’était qu’une étape intermédiaire, car pour eux à terme les frontières de Berlin devaient disparaître pour donner naissance à la fédération Africaine.
Il y a lieu de souligner ici, que ces idées étaient émises bien avant la naissance de l’union européenne, en la matière l’Afrique ne copie rien. Le grand Nkrumah avait vu juste et loin, dans l’unité des peuples et des Etats africains comme étant la grande arme pour sortir le continent de son état.
La solution intermédiaire, au fil du temps, à la suite des déviations des objectifs de l’OUA et de l’action néfaste des stratégies vitales pour l’Europe, la Chine et les USA, est devenue le problème majeur de l’Afrique, sinon le grand obstacle à sa libération. En énonçant ce principe les fondateurs de l’OUA voulaient éviter à l’Afrique encore fragile les guerres inutiles sur la question des frontières, mais cela n’a pas pour autant pas permis d’éviter les guerres fratricides entre le Mali et le Burkina ; la Lybie et le Tchad ; le Cameroun et le Nigéria et d’autres. Il y aavait aussi la crainte de voir poindre les guerres de sécession comme celui du Cabinda avec l’Angola ; l’Erytrée ave l’Ethiopie ; la Casamance avec le Sénégal ; le Sahara occidental avec le Maroc ; l’éclatement du Congo belge de l’époque en des minuscules pays. Car ces petites entités d’un point de vue économique et surtout militaire ne peuvent en aucun cas lutter contre les armées d’expédition coloniales américaines et européennes. Elles seraient non viables du fait même de la sous-démographie.
Mais hélas peine perdue pour Nkrumah et les combattants de la liberté, l’Afrique francophone donna le mauvais exemple, car elle éclata en miryade de petits pays tous non viables, le soudan français qui regroupait presque l’ancienne AOF donna naissance au Senegal, Mali, Cote-d’ivoire, Haute-volta, la Guinée et Mauritanie quand l’Afrique centrale donnait naissance au Congo, Gabon, Tchad, Centrafrique. La France se retrouva donc avec plus de dix républiques à sa botte au lieu de deux territoires fédéraux (AOF et AEF). Imaginez un seul instant que l’AEF avait continué à existé en 2006, exit les tchadiens, les congolais, les gabonais, les centrafricains, toutes ces identités auraient fondu en une seule, un premier point, le pétrole du Tchad, du Gabon du Congo, propriété commune de tous les habitants, l’Afrique centrale serait actuellement une puissance tout comme l’Afrique de l’Ouest. Cela c’est le côté positif. Maintenant on a aussi de manière objective le contre exemple, c’est le Congo (RDC) où les belges n’ont pas divisé leur « possession » en plusieurs parcelles. Cet immense territoire de près de 2.500000 km2 a été gouverné pendant près de 35 ans par un dictateur qui a permis son sous-développement. Avec 60 millions d’habitants, sur le papier ce pays apparaît comme un géant, mais la réalité qui a été bâtie sur des idées de pouvoir central a fait de ce pays l’un des plus pauvres et criminels du continent.
Si à l’indépendance ce pays avait opté pour la fédération, la guerre du Katanga n’aurait pas eu lieu et surtout par le fédéralisme, certains territoires auraient pu connaître un autre sort et nous éviter en ces années 2000 les 5 millions de morts déjà recensés.
C’est là où je veux en venir et dire que l’intangibilité des frontières est contraire au développement de l’Afrique. Sa disparition doit nécessairement donner naissance à la fédération africaine. Et le paradoxe est là, il nous faudra partir des frontières actuelles car elles ont un sens historique tout en opérant une rupture psychologique pour créer des Etats à la place des républiquettes qui existent actuellement afin de réaliser le schéma fédéral qui pour moi est la seule voie de sortie pour tout le continent.
En conclusion, Pour ou contre l’intangibilité des frontières ?
On peut répondre par oui et non;
1/ Oui, pour transformer les républiques actuelles en Etat, insérés dans un grand ensemble fédéral commun à tous les africains.
2/ Non, car les frontières actuelles rendent nos pays non viables, aucun pays africain à l’heure actuelle ne peut prétendre rivaliser avec un petit pays d’Europe.
La reflexion reste donc ouverte et non passionnée comme il semble être le cas actuellement.
Elle est à poursuivre........................................................